Prostitution à Yaoundé : Quand les jeunes diplômées désespérées se ruent dans la ‘’vente de piment ‘’
Si vous n’êtes pas
camerounais, entendez par le plus vieux métier du monde. A Yaoundé, on peut
voir ces commerçantes d’un tout autre genre à quelques endroits bien connus des
nocturnes et habitués des quartiers chauds de la capitale.
Enquête sur ce fléau toujours d’actualité, et accentué ces derniers temps par
le chômage des jeunes, désillusionnées par un système qui n’a su tenir ses
promesses.
Il est 23h20 ce mercredi 04 aout 2021 au lieu-dit carrefour
Ekounou, à Yaoundé. A première vue, c’est la capitale toute entière qui est
déjà en cours d’aller rejoindre Morphée, le dieu du Sommeil, dans la
mythologie grecque. Que non ! Yeux et oreilles grand ouverts, l’on entend
des sons qui s’échappent des lieux de jouissances environnants. Mais ça
et là, des femmes au teint clair, pour la plupart, brillent de mille feux
scintillent et titillent la gourmandise du premier venu, dans les allés et
couloirs sombres du coin. Elles sont vêtues de petites et légères tenues qui
moulent le corps, faisant apparaitre ce qu’on appelle ici les formes. Ce sont
des travailleuses de sexe.
La stratégie ici, semble-t-il, c’est d’attirer entre leurs
jambes en échange de l’argent, les clients des snacks, bars et autres lieux de
jouissance du coin. Ce qui les divise en deux grands pôles : le
premier étant juste après la Station du Carrefour Ekounou. Tous les trous noirs
et les couloirs des abords du Snack Opéra, Kaolo Bar, Top Model Bar, sont
assiégés par ces belles de nuit qui proposent du soleil aux solitaires et
célibataires. Le deuxième pôle se trouve au Marché Ekounou. Ici, le marché
ordinaire du jour réservé au grand public, est suppléé une fois la nuit tombée,
par un marché d’un autre genre. Sur les étals laissés par les commerçants
du jour, des jeunes filles attendent, avec leur marchandise entre les jambes.
Tout le secteur de la poissonnerie Congelcam, est miné, ou plutôt bien fourni.
Les couche-tard et tous les hommes qui sortent de Compressor Bar, ont une bone
marge de manœuvre, pour choisir avec quoi et ou qui, s'envoler au
septième ciel.
Si vous n’êtes pas consommateur de piment, passez
tranquillement. Pas de temps à perdre, pour ces femmes de plaisirs. Mais après
une négociation houleuse, une travailleuse de sexe (TS) accepte de se confier à
nous, en échange de quelques billets de banque. Il s’agit de Anaba, surnommée
par ses collègues « Belle Lune » du fait de son teint clair réputé
ici être un atout dans le métier. « Tous les hommes aiment bien la
peau jaune. Quand vous l’avez naturellement comme moi, c’est un avantage dans
le métier », se délecte-t-elle. Belle Lune est une fille de 23 ans,
ancienne élève du Lycée Bilingue d’Essos. Elle est mère d’une fille de 5 ans,
conçue l’année où elle obtient son probatoire.
Pour elle, c’est le destin qui l’amène dans le commerce du
sexe. « Jusqu’en classe de Première tout allait bien. Sauf
qu’au deuxième trimestre de l’année où je fais le probatoire je conçois. Mon
oncle qui s’occupe de moi, depuis l’enfance, après le départ de ma mère, sa
petite sœur ; a décidé de tout abandonner. Cette année-là, j’ai dû laisser
l’école et commencer à me débrouiller avec les petits boulots pour mon futur
enfant. J’ai vendu les arachides, j’ai été ménagère, j’ai fait pleins de trucs.
Il y a trois ans, une amie qui parallèlement m’épaulait de temps en temps, m’a
convaincu de pouvoir aller avec les hommes pour me faire payer. Au début,
j’étais très complexée, j’avais honte. Mais avec le temps, et grâce à ses
encouragements, j’ai fini par m’adapter. C’est toujours cette amie qui m’a
trouvée une place, ici à Ekounou et me faire être acceptée par d’autres
filles », indique-t-elle. Sur le dos de cette fille mère, sommeillent
déjà trois années d’expérience dans le commerce du sexe. « Le
métier, je le commence lorsque mon enfant a eu 2 ans et que, mon l’oncle
l’a prise pour me permettre de pouvoir me battre pour préparer son
avenir ». Vendre du piment a été, selon elle, l’unique voie du
destin pour assurer l’encadrement de sa fillette. Jusqu’ici, tout va bien,
rassure-telle. « Depuis l’an passé, elle fait la Maternelle et
c’est moi qui paie ses études », confie-t-elle.
A Melen, au lieu-dit Mini-ferme, les mêmes exigences de
responsabilités parentales vont amener Rosine, mère de deux enfants,
après avoir été déçue par son homme, qui, dit-elle, l’a quittée pour « aimer
une autre femme », quitte Odza chaque soir pour venir ici se livrer
dans le commerce du sexe dès 19h. « Je n’ai pas trouvé un autre
métier plus rentable où je pouvais me sentir libre, sans menace ou pression de
quiconque », confie-t-elle à notre collègue. Tout comme Belle Lune,
Rosie gagne chaque jour, entre 15 à 20 mille Francs CFA. Mais non sans la sueur
qui plus en réalité celle du front, mais celle du coït.
« Dans ce métier je subis toutes sortes de
frustrations. Un client qui ne veut pas bien te payer veut durer sur toi en
voulant que tu le gères comme s’il était ton mari. Quand tu lui fais comprendre
que c’est un servi qui ne correspond pas au prix convenu, il te couvre
d’injures, te chosifie et te réduit à rien. Le matin quand je rentre, ma tête
chauffe », confie l’habitante du quartier Odza. Plus astucieuse que
cette TS mère de deux enfants, Belle Lune a sa façon à elle d’éviter les maux
de tête. « Quand un client vient pour la première fois, je suis
distante et très pressée. Je fais tout pour qu’il ne dure pas sur moi. Je suis
agressive et n’arrête pas de le presser. C’est quand je vois un même client
plus de deux fois, s’il est sérieux, on devient des amis. Quand il arrive je le
mets à l’aise. Moi-même je joue son jeu, en essayant de le faire croire qu’il
est à la maison. Ce genre de client, quand il est même content, il peut même te
donner 5 ou 10 mille. Ou encore, je lui donne mon numéro, on se gère quand
le désire », nous révèle cette autre TS.
Vendeuses de piment, travailleuses de sexe, filles de joie
des noms et bien d’autres utilisés pour désigner ces commerçantes d’un autre
genre. A Yaoundé, que ce soit à Melen, Mvog-Atangana Mballa, Nkolndongo,
Emombo, Ekounou, elles sont ensemble, mais ne se ressemblent guère. Elles
sont grandes ou petites, rondes ou effilées, jaunes ou au teint noir, poussées
par des amertumes de la vie ruminées intérieurement chacune dans une version
différentes de celle de l’autre, ces travailleuses de sexe ont un objectif
commun : panser leur plaies en procurant du plaisir pour de l’argent, en
envoyant leur clients qui, au septième ciel, qui au royaume de l’enfer.