Abidjan se souvient, le 13 janvier 2000 mourrait John Pololo, le plus grand caïd d'Afrique

Côte d'Ivoire-13 janvier 2000/ John Pololo, le plus célèbre loubard ivoirien, a été tué

Séri Gnedre Lazare alias John Pololo est le plus célèbre gangster que la Cote d’ivoire ait connu, qui a sévit dans les rues abidjanaises durant les années 80-90. Selon les personnes qui l’ont côtoyé directement ou indirectement, il est décrit comme un génie créateur à travers son mode de vie, son argot ainsi que ses pas de danse (Logobi). Mais aussi comme un criminel sans pitié capable de tuer de sang-froid, qui a vécu par l’épée et qui est mort par l’épée.

Qui est-il vraiment ? Que doit-on retenir de lui ?
Doté d’un physique impressionnant et d’un charisme naturel, JP se fait une notoriété dans la pratique des combats de rue dans la ville d’Abidjan : Les gnaga. Il se raconte qu’il était un grand esprit : il était capable de déstabiliser psychologiquement ses adversaires avant de les battre physiquement. Mais ce qui le fit connaitre au grand public c’est le Logobi.

En effet, c’est le concepteur de ce genre musical qui signifie en nouchi : faire le malin, qui tire son origine d’une danse codifiée par les loubards et membres de gang de rue d’Abidjan consistant à reproduire des combats de rue avec les pieds et les mains. Ce style est né dans les 80 dans les ghettos abidjanais et connaitra un grand succès durant plusieurs décennies. JP demeure l’icône incontestée du Logobi. Grand pratiquant des arts martiaux, c’est d’ailleurs de là qu’il tirait son inspiration en alliant aisément les mouvements de karaté avec la gestuelle musicale. Il est à la base de plusieurs néologismes aujourd’hui vulgarisés dans la langue populaire ivoirienne tels que (ya fohi, gawa, yèrè, gnanman gnanman etc…). Plus qu’un genre musical, JP a créé une science, un style de démarche, une gestuelle ainsi qu’un langage qui influencent aujourd’hui encore le quotidien de tout un chacun. Cependant ce génie créateur ne pourrait cacher la face ténébreuse du Sogbi Johnathan comme il aimait se faire appeler.

En effet, JP est aussi l’un des caïds les plus dangereux ayant sévit dans la ville d’Abidjan. Il se dit qu’il se serait rendu coupable de nombreux crimes et délits : braquages, extorsions de fonds, viols et meurtres.
Cela lui a valu plusieurs séjours à la Maison de Correction d’Abidjan (MACA) où il faisait d’ailleurs régner sa loi en se proposant d’être le protecteur des nouveaux prisonniers. Il se raconte même qu’il a assuré la protection de certaines personnalités de l’opposition à l’époque (hommes politiques et syndicalistes) jetées en prison après des mouvements de grève.
De nombreuses anecdotes plus ou moins crédibles témoignent de son envie de protéger les plus faibles tout en exigeant un intérêt pécuniaire. Ce côté sulfureux de l’individu donne raison à ceux qui disent qu’il a mérité la fin tragique qu’il a connu. Rappelons les faits.

Décembre 1999, le président Bédié est déposé par un coup d’état militaire conduit par le général Guéi et les militaires assurent la transition démocratique jusqu’aux prochaines élections.
Désireux d’assurer la sécurisation de la ville d’Abidjan, ils mettent en place une nouvelle cellule appelée PC Crise dirigée par Boka Yapi et auraient établi une liste de loubards à éliminer le plus vite possible. Voulant donc envoyer un signal fort, ils désignent les grands criminels de la ville d’Abidjan et JP en fait partie. C’est donc lors d’une altercation entre JP et un chauffeur de taxi dans la commune d’Abobo que les éléments de la PC Crise l’auraient arrêté, torturé puis exécuté sous l’ordre expresse de Boka Yapi.

Certains disent qu’il s’agissait d’un piège tendu par la PC Crise puisqu’ils étaient sur les lieux 10 minutes après le début de l’altercation. JP a été donc victime des actes criminels qu’il aurait commis durant toutes ses années où il terrorisait la ville d’Abidjan.

Des différents témoignages nous retenons que JP avait une double facette : le génie créateur et le criminel en puissance. Quelque part, Il possédait une personnalité dualiste, cette personnalité qu’on pourrait observer chez certaines artistes du showbiz: celle du gangster au grand cœur ou du mauvais garçon sympathique.


Le géant qu’il était dans les rues venait ainsi de mourir un 13 janvier 2000 à Abidjan, la ville où son nom règne pour l’éternité. “Nous avons déjà arrêté une cinquantaine de bandits et tué deux redoutables membres de la pègre, Pololo et le Rougeaud”, expliquait le Colonel Dékassan, Commandait de l’armée de terre et un tant chef du non moins célèbre PC Crise.

Ces explications données au journal L’Orient le 22 janvier 2000 font donc de John Pololo, un vulgaire délinquant qui a été pris alors qu’il commettait une infraction pénale. Qui a été abattu alors qu’il tentait de fuir. Soit. Mais, ce n’est pas ainsi que le voient ses compagnons d’hier. Pour eux, celui qu’ils surnommaient “Sogbi Jonathan” a tout simplement été liquidé.

John Pololo faisait partie des gros bras dont se servaient et les hommes politiques et les hommes d’affaires. D’ailleurs, des légendes racontent que pour étouffer des mouvements sociaux dans des entreprises en zone industrielles, des Syriens ou autres Libanais le nommaient comme ” chef du personnel”… Et chacun se tenait à carreaux. Murmurer était mieux que prostester.

Pour ses amis, il était devenu tout simplement encombrant et l’occasion fut trouvée pour en finir avec un sachant dans la rue. De fait, ils nient le fait que Pololo a tenté de s’enfuir. Ils clament que l’homme a été arrêté pour une fausse affaire, torturé, avant d’être achevé dans des conditions encore obscures, par la junte de Robert Guéi.


21 ans après sa mort, ses amis tels Grand Vegas, Gnagra Nazaire, Bobi Solo, Blokus, Adjess Polo, Sahin Polo, ses petits frères tels Boni Dagrou (RAS), Marco Wahi, tous des grands noms de la rue abidjanaise lui rendent hommage. Quel que soit ce que vous leur direz sur la face cachée et obscure de John Pololo, il demeure leur icône, leur légende.