Après avoir critiqué Maurice Kamto, Cabral Libii sévèrement recadré par le MRC !
En France en ce
moment pour une visite de travail, l’honorable Cabral Libii, s’est concerté
avec les militants et sympathisants de son parti le dimanche 27 septembre 2020
à la faveur de la rentrée politique du PCRN en France.
Interpelé au sujet des marches organisées par ses camarades de l’opposition, Cabral
Libii s’est dit peu convaincu par l’efficacité des méthodes du MRC.
Une sortie qui lui vaudra l’ire des partisans de Maurice Kamto, qui ont usé de
leur droit de réponse dans une tribune publiée ce mardi 29 Septembre.
Le député du Nyong et Kellé émet sérieusement des réserves
sur la stratégie adoptée par le MRC de Maurice Kamto pour tenter de renverser
Paul Biya. Pour lui, l’option des marches ne saurait être une stratégie aboutie
tant il est vrai que le régime de Yaoundé est toujours sorti indemne des
manifestations anti-Biya depuis les années de la deuxième République.
«Si on pense qu’on peut déboulonner le régime de
Yaoundé en avançant à découvert, je me permets d’en douter. Je vous
invite à la stratégie. Ce qui s’est fait le 22, si ça s’intègre sur une
stratégie plus affinée, alors c’est bon. Mais si ce n’était que ce que j’ai vu
le 22, alors ce n’est pas bon», laisse entendre Cabral Libii, propos
rapportés par Cameroun-Info.Net
Ainsi, le patron du PCRN reste fidèle à sa logique
politique, celle de faire tomber le régime de Paul Biya par la voie des
élections.
‘’ On peut les battre le jour du vote. On peut battre le régime de Yaoundé
par le vote ‘’, soutient-il.
Toutefois, la déclaration du candidat malheureux aux
présidentielles de 2018 semble avoir froissé les militants du MRC, et l’un deux
en particulier, Abdelaziz Mounde a tenu à rappeler à l’ordre le nouveau député.
Nous vous proposons l’intégralité de sa tribune :
CHER CABRAL LIBII,
MANIFESTER EST UN DROIT, UN MODE LEGITIME ET PUISSANT D'ACTION POLITIQUE ET
CITOYENNE AU MEME TITRE QUE L'ELECTION...
J'ai lu et écouté comme quelques Camerounais ton analyse, tes vues et
positions, pendant ton séjour parisien, au sujet des manifestations pacifiques
du 22 septembre dernier. C'est cela le suc et la saveur d'une vie d'aspirants
démocrates : élargir sa focale ; écouter les sons discordants, ceux du tam-tam
officiel de Charles Ndongo, de la " créature " Fame Ndongo, de créés
dans l'opposition et de tous ceux qui ont une parole libre ; comme on dit à
Soa, tendre l'oreille à la fois à celui " qu'on ya mo et celui qu'on ne ya
pas mo ".
Alors, concernant les objectifs de la marche, pendant ton séjour en France, je
te suggère une rencontre avec divers groupes citoyens et politiques et des personnalités
aux profils bien précis :
- Les Gilets jaunes, en s'appuyant sur la Déclaration des droits de l'Homme et
du Citoyen de 1789, celle de 1948 et tout le corpus des droits de l'Homme,
partageront avec toi les images de leurs appels incessants à la démission
d'Emmanuel Macron, sur les ronds points, dans la rue et battant le pavé. Sans
que cela n'ait jamais fait l'objet de la moindre poursuite judiciaire. Aucun
Gilet jaune n'est en prison pour avoir dit explicitement : MACRON DEGAGE ! Et
pour cause ? C'est le droit de dire oui ou non ; je ne veux pas ou plus de mon
maire, du député, du sénateur et du président.
Tout simplement !
Un peu ce que l'on veut dans notre pays : ouvrir la fenêtre de son duplex de
nouveau riche à Bastos ou au Golf, et voir dans la rue, un mardi ceux qui
disent Oui, Paul Biya encore 100 ans, tels ceux, reflexe du parti-Etat,
d'habitude encadrés par la police et appuyés par les autorités administratives
et le lendemain, ceux, Bamiléké, Bassa ou Ba quelque chose - au pays d'Um Nyobé
où en 2020, on en est à imaginer un " fédéralisme communautaire " - ,
bref Camerounais simplement, qui disent : Non, Paul Biya doit partir. Sans
casse, les mains nues ; l'arbre de la paix parfois à la main.
Sans avoir besoin de savoir l'humeur du jour de Mbarga Nguele ou de Galax
Etoga. Sans peur d'Abraham, du sans-payé, des cellules infectes du GMI, des
moisissures du cachot du SED ou de remplir des prisons parmi les surpeuplées au
monde. Sans crainte d'être en résidence surveillée de fait, par des policiers
et gendarmes, dont le travail payerait plus à encadrer la saisie des biens
immobiliers de tous ces riches spontanés au Gouvernement et dans notre pays.
Ils parleront aussi d'un des acquis de ce mouvement, l'organisation à travers
la France entière d'une période de débats citoyens où Macron et son
Gouvernement ont tombé la veste pour parler, échanger, aller à la castagne avec
leurs compatriotes.
Autrement dit, l'élection n'est pas le seul moyen d'action politique,
d'activisme et d'engagement citoyen. Il s'en est développé une large palette
dont use d'ailleurs tes collègues parlementaires de France, qui n'hésitent pas
à descendre dans la rue, tels ceux de divers groupes qui ont participé à nos
marches contre le F.cfa et les travers de la Françafrique à Paris. Qui
n'hésitent pas, dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques et du
contrôle de l'action du Gouvernement à pétitionner, mener des enquêtes et
produire des rapports au cordeau, auditionner au long cours, formuler des
tribunes de presse collectives, etc.
- La Fondation Jean Jaurès, du nom d'un des chantres de la gauche française,
figure du courage en politique, te fournira une abondante documentation sur la
question de la participation politique, de la crise de la représentation,
alimentée par la corruption des clercs, des élites et les collusions entre
opposants et pouvoir. En clair, cette défiance à l'égard de l'élection de
populations désabusées par des hommes politiques qui veulent changer leur vie
et non celle des Français...
- A Sciences Po Paris, au Centre d'Etudes sur la Vie Politique Française, ils
discuteront avec toi de la liberté, dans un contexte et un système de vote non
obligatoire qu'à chacun des citoyens de marcher et manifester à sa guise, de
voter nul ou blanc, de s'abstenir, avec d'ailleurs une évolution, la
reconnaissance du vote blanc, traduction de cette défiance à l'égard du
système, dont on pourrait mettre en regard la situation de notre pays. Au CERI,
également, vous pourriez parler des apories et dérives de l'Etat importé, non
pensé et conçu par les Africains, des Badie et Bayart, avec en toile de fond,
les ravages de ce tribalisme en politique, dont parlait Um Nyobé en 1952, cause
d'urgence de l'ensemble de notre classe politique.
Tout aussi aborderiez-vous la question de l'impossibilité, avec un système
comme Elecam, de faire pièce à l'un des plus vieux régimes et systèmes
politiques d'Afrique. Je souligne : impossibilité ! Car, il n'existe, à une
très rare exception, pas d'exemple connu de président, aussi ancien que Paul
Biya, qui ait été battu aux élections. Bouteflika, El Bechir, Ben Ali ayant
très souvent été réélus avec 80 % de participation et 80 % de suffrages...
A cela, vous ajouteriez le fait que l'une des possibilités offertes dans un tel
système à ceux qui tiennent lieu d'opposants, est d'une part de se positionner
en parti de propositions, donc d'accompagnement du système, d'autre part, de
faire de belles carrières de députés ou d'élus comme Mayi Matip ou Antoine
Logmo, ralliés de l'Upc, et de finir, dans quelques années, super ministre à la
Kodock ou Dakolé de Franck Emmanuel Biya. Hélas, un scénario qui n'est, en
l'état actuel des mentalités, pas une fiction.
Sinon, ce sera toujours, un hourra pour la contrée ou les partisans - nos fans
des réseaux sociaux - qui diront le fameux : c'est déjà quelque chose ; une
autre victoire...Oui, il faut le dire : la fameuse question de la mutualisation
est une question fumeuse. Il n'y aura pas en l'état actuel des choses, des
manœuvres du pouvoir et d'ancrage du tribalisme politique, hélas, de caucus, de
regroupement de l'opposition. A moins d'une divine surprise. Et les gens
sincères et lucides le savent...
Autrement, l'avantage du 22 septembre, dont j'ai salué l'esprit citoyen, étant
preux défenseur du droit de manifester pacifiquement, de marcher, de multiplier
les formes de participation politique, est d'inscrire la question des Droits
politiques et civiques, des conditions de possibilité de l'alternative et de
l'alternance, dans une démocrature, au centre du débat. Et comme un réactif de
laboratoire, de révéler encore plus le long théâtre d'ombres depuis 1945 de
notre vie politique. Où l'on a plus de proposants, qui veulent voir grandir
leurs enfants, éviter les cachots de Mantoum, du Sed et de Kondengui, que d'opposants,
des vrais, dont le destin, tragique ( prison, séquestration, assassinats, etc )
a fini par faire de Um, Moumié et Ouandié des maquisards et Mbida, Ahidjo et
Biya, des hommes qui ont réussi...
Citoyennement !
A. Mounde Njimbam
Citoyen Africain-Camerounais
Journaliste/Consultant-chercheur en géopolitique, relations internationales et
histoire globale. Spécialiste des politiques et du droit de l'espace.